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#Media #Traditions

Dans le Val d'Hérens, on cultive le vrai !

20 / 07 / 2019

24h00 et La Tribune de Genève

Dans la région d’Évolène, «on cultive le vrai, on ne triche pas»
Nature, patrimoine bâti, habitants: le haut val d’Hérens irradie d’une authenticité qui lui vaut son image de contrée du bout du monde et une mentalité d’un autre âge. Les acteurs touristiques locaux ont décidé d’en faire un atout majeur.


24h00 - 20-21 juillet 2019
Texte : Karim Di Matteo | Photos : Chantal Devey

Dites «Évolène» à un Valaisan de la plaine, et vous lirez dans son regard des images de confins du monde. Une enclave fantasmée, peuplée de vaches d’Hérens et terre de chalets d’antan, de patois, de nature sauvage et de mentalité figée dans le temps. «Au début, quand j’allais à l’école à Sion, je ne disais pas que je parlais le patois. On me disait aussi «Tu descends depuis Évolène?» comme si c’était à 100 kilomètres, alors qu’on est à une demi-heure», sourit Dylan Métrailler, jeune directeur d’Évolène Région Tourisme. Son ami et collègue Florian Pannatier fait le même constat en évoquant le fameux carnaval local et ses magnifiques costumes de monstres aux visages si expressifs. «Au début, les touristes étrangers trouvaient ces sauvages poilus qui paradent plutôt rebutants. Jusqu’à ce qu’on explique. Aujourd’hui, notre authenticité devient notre force.»

À l’heure du déclin du ski, les trois petites stations du haut val d’Hérens – Évolène, Arolla et La Forclaz – ont du reste choisi de se profiler sur une clientèle familiale et fidèle, ainsi que sur le ski nordique. Il serait vain, ont-elles jugé, de chercher désespérément à courir derrière les grands domaines comme Crans-Montana et Verbier sur la voie de l’industrialisation de masse. «Un expert en tourisme m’a dit que nous avions pris 50 ans de retard, qui nous donnent aujourd’hui 50 ans d’avance, reprend Dylan Métrailler. Ici, tout est vrai. Nous sommes une vallée alpine qui a su entrer dans la modernité sans se dénaturer, sans tricher. C’est une carte à jouer.»


DES LACS SOMPTUEUX

Alors partons à la découverte de cette authenticité qui s’exprime en premier lieu dans une nature puissante et préservée où les Dents-de-Veisivis, la Dent-Blanche et la Dent-d’Hérens règnent en maîtresses. Direction le fond de la vallée de Ferpècle, en voiture dans un premier temps. Que l’on parte du village, de la buvette du Petit Paradis – après avoir partagé une bière avec Roger Crettaz, sympathique patron vivant là à flanc de rocher – ou du barrage, il ne faut pas manquer la balade d’une heure et demie qui serpente le long d’un torrent jusqu’aux glaciers de Mont-Miné et de Ferpècle. Au fur et à mesure de la progression, les conifères se raréfient jusqu’à ce que tout ne soit plus que caillasse et lac glaciaire dans un décor lunaire à 2000 mètres d’altitude. Le panorama est aussi spectaculaire que désespérant au vu du recul des deux langues de glace.


Autre lac, autre décor. Le lac d’Arbey se mérite lui aussi au terme d’une heure et demie de marche depuis Les Haudères. Le lieu a tout du cliché de carte postale vanté par l’Office du tourisme, mais il vaut clairement le détour. Pour le site, la montée en forêt, la vue sur la vallée, son alpage, les chalets d’habitation voisins bichonnés pour les séjours de farniente. On ne s’étonne pas d’apprendre que les tables de pique-nique (en plein soleil) sont prises d’assaut les week-ends de chaleur. Il ne faudra pas hésiter à piquer une tête. Les vaches l’ont bien compris. «Quand on les monte à l’alpage, c’est un spectacle de les voir déboucher des arbres et sauter dans l’eau», évoque Florian Pannatier, qui fait chaque printemps le déplacement avec celles de l’étable familiale à l’occasion de l’inalpe. Impossible, enfin, de ne pas citer un troisième plan d’eau: le lac des Dix, à la Grande-Dixence, qui vaut un crochet au départ d’Hérémence avant de rentrer.

 

UN BÂTI TÉMOIN D’UN TEMPS RÉVOLU

L’authenticité hérensarde émerge aussi dans le patrimoine bâti des innombrables hameaux de la région. Marcel Gaspoz, député et mémoire locale, nous propose une balade à Villa, sur les hauts des Haudères, qui paya un lourd tribut lors des avalanches meurtrières de 1999. Le lieu témoigne d’une société essentiellement rurale et des relations marchandes avec le val d’Aoste que l’on rejoignait par le col Collon pour y vendre du bétail et ramener du sucre, du café, etc. Il est surtout un musée à ciel ouvert. La maison d’habitation – qui prenait de la hauteur avec le temps pour économiser la terre –, la grange-écurie, le raccard – pour les chèvres et battre le grain – ainsi que le grenier sur pilotis pour se prémunir des souris constituaient le carré d’as de toute famille paysanne. Dans les venelles du village, ces ensembles architecturaux ne manquent pas de charme, même si beaucoup sont à l’abandon. L’occasion pour Marcel Gaspoz de fustiger au passage la Lex Weber et son plafond de résidences secondaires. «C’est scandaleux qu’on ne puisse pas entretenir ce patrimoine bâti», lance-t-il.
Enfin, parce qu’il n’y a rien de plus authentique que les gens du coin, il suffit de bavasser avec un patron de commerce ou de tendre l’oreille au bistrot pour entendre l’amour qu’expriment les habitants pour cette terre et ses produits du terroir labellisés Fleur d’Hérens. Le tutoiement est évidemment de rigueur, comme le petit coup de gnole local. On est comme à la maison. D’ailleurs, comme on aime dire ici: «La première fois, t’es client, ensuite t’es chez toi.»

 

LA RACE D’HÉRENS AU-DELÀ DES FRONTIÈRES

L’emblème de la vallée, c’est la vache d’Hérens, celle qui fédère tout un canton une fois l’an lors de la Finale nationale de la race d’Hérens, à Aproz. Mais la noire d’Hérens joue aussi les traits d’union au-delà des frontières nationales. La 8e édition du combat de reines de l’Espace Mont-Blanc aura lieu le 8 septembre à l’Hérens Arena des Haudères (qui devient la Nordic Arena en hiver pour la pratique du ski de fond). Le Valais, le Val d’Aoste et la Savoie y enverront leurs seize meilleures primipares s’affronter pour le titre. Il faut entendre les éleveurs hérensards parler de leurs protégées pour vraiment comprendre la place qu’elles occupent dans le cœur des locaux, raison qui explique le nombre d’exploitations. On est loin des chiffres d’il y a vingt ans, mais cela reste significatif. La vache d’Hérens reste en outre un point central de l’économie locale, pour le lait (transformé en fromage à raclette AOP au lait cru ou en tomme des Haudères), la viande et la corne. Grâce au label Fleur d’Hérens, un réseau de producteurs et de restaurateurs garantit une traçabilité optimale et des trajets réduits au minimum.

 

VERTIGE ET ADRÉNALINE À LA GRANDE-DIXENCE

Il suffit de se retrouver face au mur de la Grande-Dixence pour éprouver une sensation de vertige face à l’immensité d’une construction qui donne à réfléchir sur la capacité humaine à ériger des ouvrages hors norme. Le barrage ouvre ses entrailles au public et offre quelques bribes de son histoire dans l’intéressante et synthétique exposition qui lui est consacrée dans le petit musée situé à côté des caisses du téléphérique.
Le taux d’adrénaline monte d’un cran en débarquant au sommet du mur puis, une fois dessus, en contemplant le lac des Dix d’un côté et la vue sur la vallée d’Hérémence de l’autre. Durant l’été, le niveau d’eau est à son plus bas, ce qui n’enlève rien à la magie du moment. Au contraire, cela permet de mieux appréhender, par le vide, la hauteur de l’ouvrage (285 m).
Enfin, les plus friands de sensations fortes termineront en beauté avec l’AlpinLine. Depuis l’été 2018, cette tyrolienne de 700 m, la plus longue de Suisse romande, offre un angle de vue inoubliable sur le monstre de béton et le panorama environnant. Casque, baudrier et tyrolienne sont fournis à l’arrivée du téléphérique. Le point de départ se situe à l’extrémité opposée du barrage. Une minute de vol inoubliable, avec un atterrissage tout en douceur.


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